La « viande » in vitro en France

mai 26, 2023
santé et nutrition
Sébastien Bouley

Mieux encadrer et maîtriser la technologie, telle est la recommandation de vigilance du Sénat

La Commission des affaires économiques du Sénat a rappelé son opposition anthropologique, éthique, culturelle et, en somme, politique, au développement des « aliments cellulaires ». Prometteuse sur le papier (environnement, bien-être animal), cette innovation, selon cette Commission, ne sera en aucun cas indispensable dans la transition alimentaire, et ne serait pas sans impact sur l’élevage. Elle a formulé dix-huit recommandations regroupées en trois axes pour mieux encadrer l’autorisation de commercialisation, l’information du consommateur et la recherche.

Axe 1 : Renforcer la procédure d’autorisation des nouveaux aliments et les règles applicables aux aliments cellulaires ;

Recommandation n° 1 : Affirmer dans la loi le principe de l’interdiction de toute commercialisation tant que les produits ne sont pas autorisés dans le cadre du règlement européen « nouveaux aliments ».

Recommandation n° 2 : Instituer une procédure d’information automatique des commissions chargées de l’alimentation au Parlement européen et dans les parlements nationaux pour l’autorisation de mise sur le marché de tout nouvel aliment.

Recommandation n° 3 : Prévoir dans le code rural et dans le code de la santé publique que l’ANSES procède systématiquement à une analyse des risques sanitaires des nouveaux aliments en complément de l’évaluation de l’EFSA au niveau européen. Forger en France un cadre réglementaire plus strict pour la production d’aliments cellulaires et pousser pour son adoption au niveau européen :
Recommandation n° 4 : en particulier, instituer un moratoire sur l’utilisation du sérum fœtal bovin dans les milieux de culture entrant dans les processus de production alimentaire.

Recommandation n° 5 : Etudier l’opportunité de définir par voie réglementaire un volume de bioréacteurs au-delà duquel la production serait taxée (par exemple à partir de 25 000 litres), afin de limiter la concentration des risques sanitaires.

 

Axe 2 : Mieux informer le consommateur et protéger les filières de production animale, en s’accordant sur des règles de dénomination et d’étiquetage claires ;

Recommandation n° 6 : Dans le cadre des recherches et réflexions nationales et européennes sur le sujet, s’accorder sur un terme usuel consensuel du produit, qui pourrait être « aliments cellulaires ».

Recommandation n° 7 : Interdire la dénomination commerciale « viande » et, au cas par cas, l’usage de termes faisant référence à des produits animaux, en étendant aux aliments cellulaires la législation applicable aux analogues végétaux.

Recommandation n° 8 : Rendre obligatoire la mention de l’espèce d’origine pour assurer la bonne information du consommateur, notamment en matière d’allergénicité.

Recommandation n° 9 : Pour les produits fabriqués en France, afficher obligatoirement si un produit contient des aliments cellulaires ou tout autre nouvel aliment (dont les insectes) par un affichage spécifique sur la face avant des produits préemballés.

Recommandation n° 10 : Identifier clairement aliments cellulaires et viande issue de l’élevage par l’étiquetage et interdire la commercialisation de produits mélangeant aliments cellulaires et viande issue de l’élevage.

Recommandation n° 11 : En complément de la liste des ingrédients, afficher obligatoirement la part agrégée d’origine végétale et d’origine cellulaire, en cas d’hybride à base d’aliments cellulaires.

Recommandation n° 12 : Dans l’hypothèse où des aliments cellulaires seraient mis sur le marché, rendre obligatoire en restauration hors foyer l’information sur la présence de ce produit dans un plat, ainsi que sur l’origine géographique des produits servis.

 

Axe 3 : Intensifier la recherche sur les aliments cellulaires, mais miser en priorité sur l’élevage et les protéines végétales pour relever le défi de l’autonomie protéique.

Recommandation n° 13 : Créer une unité mixte de recherche, au sein de l’INRAE et du CNRS, dédiée à une meilleure appréhension des techniques de l’industrie cellulaire.

Recommandation n° 14 : Demander formellement à ces organismes de recherche une expertise scientifique collective (ESCo) pour évaluer les impacts socio-économiques, environnementaux et pour anticiper les effets sur la santé humaine à long terme de la consommation d’aliments cellulaires.

Recommandation n° 15 : Sur le modèle de la transparence en matière de sécurité sanitaire vis-à-vis de l’EFSA, imposer la transparence en matière environnementale aux entreprises de ce secteur, en obligeant à la communication des données en analyse de cycle de vie aux autorités environnementales.

Recommandation n° 16 : Dans l’éventualité où des demandes d’autorisation seraient déposées en Europe, faire, un an plus tard, un droit de suite au Sénat.

Recommandation n° 17 : Pour faire face au défi de l’autonomie protéique, prioriser l’accélération de la mise en œuvre de la stratégie protéines végétales, en augmentant en particulier les financements dédiés, plutôt que le financement d’alternatives lointaines et plus incertaines.

Recommandation n° 18 : Maintenir voire rehausser les soutiens à l’agriculture vivrière et à l’élevage dans l’aide publique et privée à destination des pays en développement.

 

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le rapport complet et la synthèse du rapport en PDF.

 

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