Point sur … la vitamine D et la COVID 19 en Europe

mars 03, 2021
Sébastien Bouley
Assurer un statut satisfaisant en vitamine D dans la population générale est particulièrement important dans le contexte de la Covid-19.
De nombreuses études cliniques sur l’impact de la vitamine D sur l’infection au COVID 19 ont été ouvertes à travers le monde. A ce jour,  seulement 14 études cliniques sur le sujet sont complètes (dont 2 en Europe : 1 en Espagne et 1 en France, clinicaltrial).
  • La supplémentation en vitamine D contribue au bon fonctionnement du système immunitaire et aide à prévenir d’une infection au COVID 19 :

Les premiers rapports montrent que la concentration circulante de 25(OH)D est plus basse chez les adultes infectés que chez les autres. Dans une étude écologique, des corrélations inverses ont été trouvées dans 46 pays entre la carence en vitamine D dans la population générale et l’incidence de la Covid-19. Plus précisément, l’existence d’une insuffisance en vitamine D semble précéder la survenue incidente de la Covid-19, et non l’inverse. Malgré l’absence de données interventionnelles solides pour le moment, les résultats préliminaires de l’étude Koronastudien.no, montrant en Norvège que les consommateurs réguliers d’huile de foie de morue sont moins à risque d’être infectés par le SARS-CoV-2, suggèrent que la supplémentation en vitamine D pourrait aider à prévenir la Covid-19.

Le peu d’études d’intervention publiées semblent être en faveur d’un effet bénéfique de la supplémentation en vitamine D pour réduire la gravité des symptômes chez les adultes atteints de Covid-19, mais les effectifs des études restent trop restreints.

  • La vitamine D n’aide pas à soigner les patients sévèrement atteints du COVID 19 :

Une récente étude d’observation mendélienne suggère que la vitamine D ne prévient pas les formes graves de Covid-19. Un article publié dans le Journal of American Medicine Association critique aussi l’engouement autour de la vitamine D. Une revue de 2017 réalisée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sur la vitamine D et les infections respiratoires rappelait combien le niveau de preuves était faible et les études hétérogènes, rendant les conclusions difficiles. Un récent article paru dans Nutrition Reviews évoque une utilité plausible chez les personnes réellement carencées (moins de 10 nanogrammes par millilitres) et celles à fort risque de passer par la case réanimation si elles contractent la Covid-19 (qui représentent généralement les mêmes sous-groupes). L’ensemble de ces données constitue un faisceau de preuves peu convaincant pour soutenir les revendications de supplémenter en prévention l’ensemble de la population

il semble que la recommandation de s’assurer, dans un but de prévention primaire de la COVID-19, que les valeurs sanguines de 25(OH)D soient alignées avec celles proposées par la Haute Autorité de Santé (20 ng/mL pour la population générale) ou le GRIO (30 ng/mL pour les personnes âgées) puisse être justifiée au vu des méta-analyses relatives à la prévention des infections respiratoires aiguës (à défaut du contexte particulier de la COVID-19). À condition, comme l’indiquent ces méta-analyses, de privilégier, en cas de déficit avéré (moins de 20 ng/mL), une supplémentation quotidienne ou, éventuellement, hebdomadaire (Vidal).

  • Avis des pays européens :

Nos voisins britanniques ont pris la décision d’utiliser la vitamine D. En effet, les gouvernements du Royaume-Uni (l’Angleterre, l’Écosse et  l’Irlande) ont de leur côté prévu de fournir de la vitamine D à titre préventif à plusieurs millions de personnes fragiles, aux personnes hospitalisées âgées en se basant notamment sur les bons résultats observés en Andalousie.

Les irlandais encouragent grandement la recommandation de la complémentation en Vitamine D pour prévenir l’infection, en raison de leur déficience inhérente au faible ensoleillement du pays. Dans leur rapport, Le gouvernement irlandais recommande que toutes les personnes âgées, les patients hospitalisés, les résidents des maisons de soins infirmiers et les autres groupes vulnérables reçoivent d’urgence un supplément de 20 à 50 μg / j de vitamine D pour améliorer leur résistance au Covid-19, et que ces conseils soient rapidement étendus à la population adulte en général.

La Belgique, quand à elle, conclue dans son rapport : « ni le zinc, ni la vitamine D ne sont la panacée dans le traitement de la Covid-19. L’utilisation de très hautes quantités de vitamine D à visée thérapeutique chez les patients atteints de la Covid-19 et pour prévenir les formes très graves de la maladie,ne peut actuellement être recommandée. » L’Italie, l’Espagne et l’Allemagne se sont penchés et intéressés au sujet, néanmoins ils estiment les preuves actuelles insuffisantes pour formuler une recommandation pour la population générale et craignent d’éventuels risques liés à des potentiels surdosages en vitamine D.

En France, l’Académie de Médecine recommande également la complémentation en vitamine D (Communiqué de l’Académie de Médecine, 22 mai 2020).

  • Besoin d’un consensus sur les valeurs références en Vitamine D :
Des désaccords subsistent sur l’interprétation des taux sanguins de 25(OH)D (25-hydroxyvitamine D, la forme habituellement dosée). Sans entrer dans le débat scientifique sur ce sujet, nous rappellerons simplement les valeurs qui sont couramment utilisées en pratique en France :
  • dans la population générale, une concentration sanguine de 25(OH)D supérieure à 20 ng/mL (50 nmol/L) est considérée comme « suffisante » ,
  • dans la population à risque d’ostéoporose liée à l’âge, une maladie ou un traitement chronique, ce taux sanguin de référence devrait, selon les recommandations du GRIO (Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses), être supérieur à 30 ng/mL (75 nmol/L).
En termes de toxicité, on estime que le risque d’effets indésirables (hypercalcémie, calculs rénaux, par exemple) apparaît lorsque les taux sanguins sont durablement supérieurs à 50-60 ng/mL.
Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), les apports journaliers de vitamine D devraient être de 15 microgrammes (600 UI) par jour pour un adulte. En 2017, l’étude INCA 3 a montré que, chez les Français âgés de 18 à 79 ans, l’apport moyen quotidien se situe plutôt autour de 3,1 microgrammes (124 UI) par jour.
Comme observé pour les valeurs de référence sanguines, la définition d’une carence ou d’une insuffisance en vitamine D n’est pas complètement consensuelle. Selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), dans la population générale, on parle de déficience sévère pour un taux sanguin inférieur à 5 ng/mL (12,5 nmol/L), de déficience modérée pour un taux compris entre 5 et 10 ng/mL (12,5-25 nmol/L), et de déficit pour un taux compris entre 10 et 20 ng/mL (25-50 nmol/L).
L’ANSES a récemment actualisé les valeurs de références de Vitamine D chez les adultes français et prévoient de communiquer les différentes valeurs références des populations spécifiques dans le courant de l’année.