Quantités maximales et minimales de vitamines et de minéraux dans les compléments alimentaires : vers une harmonisation dans l’UE ?

avril 14, 2022
Sébastien Bouley

La Commission a repris les travaux visant à définir les doses maximales et minimales de vitamines et de minéraux dans les aliments enrichis et les compléments alimentaires.

 

L’apport de vitamines et de minéraux par le biais d’aliments enrichis et de compléments alimentaires, en plus des aliments ordinaires, fait partie des habitudes des consommateurs. Cette observation ouvre la porte à un enjeu de santé publique : s’il est nécessaire que les substances fournies soient en quantités appréciables et utiles, il est également important de s’assurer que les doses fournies par l’ensemble de toutes les sources ne dépassent pas un seuil au-delà duquel des conséquences négatives pour la santé pourraient survenir.

La nécessité de fixer des quantités maximales et minimales de vitamines et minéraux dans les aliments enrichis et les compléments alimentaires avait déjà été prise en compte par les deux textes de référence de la législation de ces catégories : le Règlement (CE) 1925/2006 et la Directive (CE) 2002/46, respectivement. Cependant, pour diverses raisons, telles que la complexité du sujet et la diversité des points de vue des États Membres, les mesures n’ont jamais été prises. Pour l’instant, chaque État Membre peut définir ces valeurs indépendamment (comme le montre notre comparaison entre la réglementation française et italienne sur les compléments alimentaires). L’harmonisation des réglementations représenterait une protection supplémentaire du consommateur et une impulsion au commerce.

  • La reprise des travaux

La situation que nous venons de décrire pourrait changer dans un avenir relativement proche : en 2021, la Commission Européenne a rouvert les travaux sur l’établissement des doses maximales et minimales de vitamines et minéraux dans les aliments enrichis et les compléments alimentaires*. L’année 2022 devrait voir la réalisation des actions préparatoires et d’analyse de l’impact*, et les travaux devraient être achevés d’ici la fin du mandat actuel de la Commission en 2024. Dans cette optique, la DG SANTE a mis en place un groupe de travail dédié comprenant des représentants des États Membres. La Commission a également demandé à l’EFSA de procéder à une réévaluation des Limites Supérieures de Sécurité (LSSs) de 8 micronutriments : la vitamine A (sous les formes de rétinol et de bêta-carotène), les vitamines D, E, B6 et l’acide folique/folate, le fer, et le manganèse.

  • Le guide de l’EFSA

Dans le cadre de cette mission, le Journal de l’EFSA a publié le 24 janvier 2022 un guide* revoyant la méthodologie de détermination des LSSs pour les micronutriments ; ce texte met à jour les lignes directrices précédentes, émises en 2000 par le Comité Scientifique sur les Aliments, en tenant en compte l’expérience acquise et les développements scientifiques qui ont eu lieu entre-temps. La méthode, qui a été élaborée en consultant des références internationales (OMS, FAO, …), divise la population en deux groupes d’âge : les sujets âgés de 4/6 mois à 3 ans, et la population générale, définie comme les personnes âgées de 3 ans et plus. Le contenu du document sera appliqué pendant une phase pilote d’un an, après quoi il sera révisé si nécessaire. Une consultation publique sera ensuite menée, et le texte sera finalisé.

Il est important de rappeler la définition de l’LSS (l’apport journalier chronique maximal d’un nutriment considéré comme peu susceptible de présenter un risque d’effet indésirable sur la santé de la population), et de souligner que cette valeur représente un seuil à ne pas dépasser en tenant compte de toutes les sources d’apport, et ne peut pas servir d’apport journalier maximal relatif à une seule catégorie d’aliments.

Sur la base des LSSs établies par l’EFSA au cours de son évaluation des risques, la Commission, qui s’occupe de la gestion des risques, pourra fixer les doses maximales de vitamines et de minéraux dans les aliments enrichis et les compléments alimentaires.

  • La proposition de l’EHPM

Dans ce contexte, la fédération européenne des associations de fabricants de produits de santé (European federation of associations of Health Products Manufacturers, EHPM) a souhaité développer et proposer à la Commission un modèle de calcul pour la détermination des doses maximales et minimales de micronutriments dans les compléments alimentaires. Publiée le 1er décembre 2021, la proposition de l’EHPM* a été soumise à la DG SANTE plus tard dans le mois. Le modèle a été élaboré par un groupe de travail composé d’experts et d’associations du secteur de plusieurs États Membres ; les travaux se sont basés sur des enquêtes scientifiques récentes et des modèles de gestion des risques. Le document prend en compte tous les micronutriments actuellement autorisés dans les compléments alimentaires, et considère deux sous-ensembles de population : les enfants entre 4 et 10 ans d’une part, et les « adultes » de 10 ans et plus (avec une exception pour le cas du rétinol, qui présente en plus une dose maximale spécifique pour les adolescents).

La méthode proposée, qui ne s’applique qu’aux micronutriments pour lesquels il existe des effets indésirables au-delà d’un certain seuil de consommation, est simple. Pour chaque micronutriment :

Quantité maximale = LSS – apport observé au 95ème percentile

La valeur peut ensuite être ajustée, en arrondissant le nombre pour obtenir des doses de référence « pratiques », et en exécutant des évaluations qualitatives supplémentaires (pour les nutriments pour lesquels le risque lié au dépassement de la LSS est plus élevé). La valeur maximale peut être accompagnée d’informations supplémentaires destinées aux consommateurs (parfois, à partir d’un certain seuil quantitatif).

La proposition de l’EHPM concerne également les doses journalières minimales, proposées à 15% de la valeur nutritionnelle de référence (VNR) sauf exceptions.

Le calcul proposé par EHPM ne mentionne pas les quantités maximales ou minimales qui pourraient être attribuées aux aliments enrichis.

Plus d’informations sur la proposition de l’EHPM sont disponibles dans notre article dédié.

  • La proposition allemande

En parallèle à l’EHPM, l’Allemagne, qui réclame depuis longtemps une harmonisation des valeurs au niveau européen*, a également fourni à la Commission une proposition de méthodologie de calcul.

Au niveau national, l’institut fédéral d’évaluation des risques (Bundesinstitut für Risikobewertung, BfR), calcule les teneurs maximales en se basant sur le LSS et l’apport au 95e percentile de chaque nutriment*, comme le fait l’EHPM. Toutefois, la valeur obtenue, nommée « quantité résiduelle », n’est pas encore considérée comme une dose journalière maximale pour les vitamines et minéraux ajoutés. Tout d’abord, en fonction de sa valeur, elle sera soit entièrement attribuée à la catégorie des compléments alimentaires, soit, si possible, répartie entre les compléments alimentaires et les aliments enrichis. Ensuite, la quantité maximale sera calculée pour chacune des deux catégories d’aliments en appliquant d’autres transformations à la « quantité résiduelle », par exemple en la mettant en relation avec l’apport énergétique moyen journalier (pour les aliments enrichis) ou en la divisant par un facteur d’incertitude généralement égal à 2 (pour les compléments alimentaires).

  • Conclusions

Les prochains mois révéleront si la Commission choisira de recourir à l’une des méthodes que nous avons exposées et, le cas échéant, laquelle. Nous vous tiendrons au courant !

 

Orchidali vous accompagne dans la formulation d’aliments enrichis et de compléments alimentaires conformes à la réglementation européenne.

 

* : lien en anglais